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LES TECHNIQUES D'ANALYSE: ANALYSES ÉLÉMENTAIRES



    Les méthodes d'analyses élémentaires s'appliquent aux oeuvres non organiques, dîtes oeuvres minérales ( verrerie, pierreries, bronzes, sculptures en pierre, etc...). Elles permettent de connaître la composition de la matière en éléments chimiques. On distingue deux grandes méthodes d'analyses:


I. L'analyse par faisceau d'ions (IBA) avec l'utilisation d'un accélérateur de particules AGLAE

Qu'est ce qu'un accélérateur de particule ?

  AGLAE (Accélérateur Grand Louvre d'Analyses Élémentaires) est un accélérateur de particules se trouvant au C2RMF (Centre de Recherches des Musées de France). Il fait partie des méthodes d'analyses élémentaires sans prélèvement, pouvant s'effectuer immédiatement sur une oeuvre, et repose sur les réactions nucléaires se déroulant entre des ions légers (ou incidents) avec les atomes constituant les oeuvres.




    Un accélérateur de particules (AP) est tout d'abord une machine permettant de projeter les uns contre les autres les constituants d'une matière, à des vitesses proches de celle de la lumière. Pour permettre l'accélération des particules, il faut tout d'abord les ioniser, puis créer entre elles une différence électrique. L'énergie cinétique des particules est en étroit rapport avec la tension appliquée. L'AP est constitué d'un condensateur électrique, d'un générateur de charges, d'un tube accélérateur et d'une source d'ions.
   Cependant, l'accélérateur de particules qui nous intéressent ici, AGLAE est de conception dîte « tandem », c'est à dire qu'elle accélère les particules en deux temps et permet donc de leur communiquer des énergies supérieures. L'AP peut étudier des couches plus profondes de matériaux. La tension maximale est de 2 millions de Volts, pouvant produire des protons et des ions He d'énergie intense.

    AGLAE est équipée de 2 sources ;
-une source Duoplamatron pour la production des protons
-une source Alphatross pour la production des ions He
Ces deux production étant indispensables dans la réalisation de ces analyses.




Quels sont les interêts pour la recherche de la connaissance du patrimoine ?
  AGLAE utilise des méthodes mettant en œuvre des faisceaux d'ions. Ces méthodes, inspirées de la physique nucléaire, sont aujourd'hui couramment employé dans la science (des matériaux notamment). Les résultats de cette réaction sont sous forme d'une énergie caractérisant l'atome-cible et permettent ainsi de connaitre la compositions des couches les plus externes d'un objet non-organique. Les performances d'analyses d'AGLAE sont excellentes, mais cette technique possède également l'avantage d'être non destructives, afin de tenir compte de la préciosité et de l'unicité de l'échantillon.
     Trois techniques peuvent être utilisées pour cela :
-  l'émission X, qui est induite par particules chargées 



Principe de l'émission X.
L'éjection d'un électron de l'atome attirant le proton projeté permet de
caractériser l'atome, et donc l’élément contenu dans la matière.




-  la spectrométrie de rétrodiffusion Rutherford  



Principe de la spectrométrie de rétrodiffusion Rutherford.




- l'analyse par réactions nucléaires, dont une variété est appelée PIGE (émission gamma, induite par particules chargées)



Analyse PIGE.
L'éjection d'une partie des protons et neutrons du noyau de l'atome dû à la collision
avec un autre groupe de protons et neutrons est caractéristique de l'atome.



  Le faisceau d'ions possèdent deux lignes différentes permettant de s'adapter aux particularités et dangers potentiels pour tous les types d'oeuvre. Il existe une ligne d'analyse sous vide, réservée aux prélèvements et aux méthodes qui ne peuvent êtres pratiquées à l'air libre, ainsi qu'une ligne expérimentale qui constitue un  microfaisceau extrait à l'air. Cette ligne conforte le caractère non destructif de l'instrument et permet l'analyse directe des oeuvres sans prélèvement ou préparation quelconque. La taille faisceau est réduite jusqu'à environ 10 µm, on réalise ainsi une microsonde nucléaire. Cette ligne reste donc, pour ses avantages, la plus souvent utilisée.



Chambre d'analyse sous vide
Paris, C2RMF



Millifaisceau extrait à l'air.
Paris, C2RMF



QuQuQuels sont les avantages et inconvénients d'une analyse par faisceau d'ions ?


    Les méthodes d'analyses par faisceau d'ions présente ainsi de nombreux avantages pour l'étude des matériaux non-organiques, cependant elle présente aussi quelques inconvénients comme la superficialité de la couche étudiée par cette méthode ( 20 micromètres au plus ), qui présente le risque de ne pas donner la composition globale de l'oeuvre si les couches externes ont subies des modifications au cours du temps.




Exemples d'application sur des oeuvres


    Il existe au Louvre trois pectoraux égyptiens de l'époque de Ramsès II, découverts au XIXème siècle dans la tombe d'un taureau près de Saqarra par Auguste Mariette. Cependant de très nombreuses questions se posaient sur la composition de ces matériaux.
Après avoir été soumis à des analyses par faisceau d'ions, plusieurs remarques ont été faites sur ces objets d’orfèvrerie. Ainsi, de nombreuses différences ont été décelées dans la composition de ceux-ci.
       Le pectoral à tête de bélier est composé d'un or très pur (99,5%), ce qui est très rare sous la période égyptienne. Il est également composé d'un montage de pierreries très délicats: cornaline, lapis-lazuli,... Un autre pectoral au chiffre de Ramsès II est composé d'un alliage d'argent (62%), d'or (35%) et de cuivre (3%). De plus, ce que l'on avait longtemps pensé être des incrustations de pierres précieuses ne s'avéraient être que des verres colorés.



Pectoral au nom de Ramsès II
Paris, Musée du Louvre




Pendentif: amulette en forme de faucon à tête de bélier
Paris, Musée du Louvre


     Ces méthodes ont également été appliquées à une statuette parthe de déesse nue: il a été découvert que ces yeux et nombril étaient formés de rubis, qui, par analogie et connaissance des cartes des carrières mondiales, proviennent de Birmanie.



Statuette Parthe
Paris, Musée du Louvre




    Enfin, elle a permis de déceler de véritables mensonges historiques dont la tête en verre bleue égyptienne est le meilleur exemple. Plébiscité pendant des siècles par les conservateurs pour sa représentation d'une technique de verrerie égyptienne exceptionnelle, AGLAE nous a permis de découvrir que les verres la composant n'étaient en réalité que des verres vénitiens du XVIIIe siècle!
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Tête en verre bleu du Louvre



Composition chimique des véritables verres égyptiens, et des "faux" verres vénitiens.



II. La micro-fluorescence X

     Il s'agit d'une technique d'analyse élémentaire sans aucun contact avec l'oeuvre. En effet, le dispositif est doté d'une source de rayonnement, d'un tube à rayon X ainsi que d'un système de visée dont le faisceau a un diamètre proche de 1mm. L'ensemble est fixé sur une chambre photo, elle même fixée sur des platines à déplacements contrôlés.
Ainsi ce placement va permettre l'étude d'oeuvre d'un format assez conséquent, et même de faire parfois des campagne d'analyses in-situ.

     Son fonctionnement est très simple: lorsque les rayons X entrent en contact avec la matière, ils ont un pouvoir ionisant sur les atomes. Ainsi, ils éjectent des électrons des couches électroniques profondes, d'énergie E1. Puis des électrons des couches supérieures et d'énergie E2 viennent combler les lacunes dues à l'éjection des électrons: il y a émission d'un électron d'énergie E = E2 - E1, qui est caractéristique de l'atome composant cette couche.

    Cette méthode est très utilisée, notamment pour la peinture de chevalet puisqu'il n'y a pas besoin de prélèvements.
   Cette méthode présente de nombreux avantages, malgré le fait qu'il soit assez difficile d'exploiter les résultats obtenus car l'analyse se fait sur toutes les couches et ne nous permet pas d'accéder aux éléments légers. 


Détail d'une micro-fluorescence X, avec le pistolet à rayons X


Exemple d'application sur une oeuvre



Micro-fluorescence réalisée sur La Princesse d'Este (Pisanello)
La méthode a permis de mettre en lumière les éléments utilisés par l'artiste lors
de la réalisation de sa peinture. On notera la présence inattendue de mercure, 
caractéristique du vermillon, dans le ciel.  



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